Plan général de l'exposition universelle de Roubaix en 1911

Plan général de l'exposition universelle de Roubaix en 1911
Ce plan montre l'étendue de l'Exposition Universelle de Roubaix en 1911. Celle-ci était installée aux abords du parc Barbieux et du nouveau Grand Boulevard de Lille à Roubaix et Tourcoing (sur la branche entre le Croisé Laroche et Roubaix). Cette manifestation internationale fut implantée sur les territoires des villes de Roubaix et de Croix dans les quartiers actuels de la Duquenière, du Créchet et du Fer-à-cheval. Une partie des installations avaient trouvé place dans le parc Barbieux lui-même (Gilbert Sayet tome 1 page 86 Collection privée ©)

Les Galeries Lilloises

Les Galeries Lilloises étaient situées le long de l'avenue de Jussieu, non loin du pavillon du chocolat Menier et à côté du pavillon de la Société Roubaisienne d'éclairage par le gaz et l'électricité. Les Galeries Lilloises sont d'une structure différente, et intéressante à ce titre, par rapport aux autres constructions.


La même photographie prise du même angle, à quelques secondes d'écart, a été reproduite sur une carte postale par deux éditeurs différents : La maison Laffineur-Samin (L.S.) à Hautmont qui était l'éditeur officiel de cette exposition et la société E.L.D (Ernest Le Deley) pour les éditions G.L. (Galeries Lilloises). Ernest Le Deley était un célèbre éditeur parisien, connu pour ses clichés particulièrement nets, et dont les proportions sont dignes d’une œuvre d’art, il possédait une succursale lilloise rue Boucher de Perthes.


Une vue attentive permet de noter plusieurs inscriptions :


- Sur la bordure du trottoir, en partie cachée par l'arbre, la mention Hennebique Degallaix béton armé. François Hennebique se voulait le créateur de cette technique (voir le développement ci-dessous).
- Sur le balcon les coordonnées de l'entreprise roubaisienne de L. Degallaix située 21 Boulevard du Cateau.
- Sur la rembarde de l'escalier en colimaçon, cette adresse est plus complète avec le numéros 21 et 23 Bd du Cateau à Roubaix et insiste sur le savoir faire pour les terrasses, ciment volcanique, plaques contre l'humidité ...
- Au niveau des contreforts de l'escalier la publicité se poursuit citant Hennebique et Degallaix en alternance
- Sur le pignon en briques vernissées outre les mentions Villa Galeries Lilloises plusieurs fois répétées on distingue une succession d'items : Verrerie, faïencerie, literie, chauffage, gaz, etc, etc.


A l'intérieur des Galeries Lilloises on peut admirer des vitraux dus à la société d'Ernest Buyssens qui était installée au 130 Boulevard d'Armentières à Roubaix ainsi des cheminées en marbre de la maison Destrebecq.



Gilbert Sayet dans son rapport, publié en 1912, évoque ce bâtiment aux pages 245 et 246 :

Le Palais de la Chasse et de la Pêche avait pour voisine la Villa des Galeries Lilloises, qui se plantait fièrement et solidement en bordure de l'avenue de Jussieu. Rien à dire de l'architecture de cette villa, qui aurait pu, semblait-il à beaucoup de personnes, revêtir un caractère plus riant et plus en rapport avec son affectation. Sa construction qui était faite de béton armé et de briques silico-calcaires, se faisait remarquer à l'intérieur par ses vitraux, des plafonds en tôle d'acier, et des carreaux en ciment comprimé qui lui donnaient une certaine originalité. Elle était surmonté d'une plateforme d'où on découvrait le magnifique panorama de l'Exposition et de ses environs.


L'Exposition qu'elle renfermait appartenait à la catégorie des ameublements pour habitation bourgeoise ; elle se manifestait dès le rez-de-chaussée, sous l'aspect d'une cuisine bien éclairée, munie de tous les appareils et ustensiles de ménage qui lui sont propres et donnait accès à une cave bien aménagée. Au premier étage, étaient installés, meublés et garnis avec tout le confort moderne, une salle à manger, un salon et un bureau. Au second étage, une chambre à coucher, avec meubles Louis XVI et à côté, une chambre d'enfants, moderne et hygiénique, et une salle de bains confortable.


Cette forme d'Exposition était évidemment très pratique et très plaisante à la fois. C'est ce qui explique pourquoi les Galeries Lilloises ont vu défiler dans leur villa un si gros contingent de visiteurs.


" C'est le triomphe du goût et de l'industrie du Nord " proclame le Nord Illustré.


On y trouve une cuisine complètement équipée avec cuivres, aluminium, fourneau, ustensiles de ménage en vente aux Galeries Lilloises. 
Puis une buanderie, une salle à manger à l'étage, avec argenterie et linge du Nord sur une table magnifique.
La régie Belge des tabacs tenait une place dans le salon.
Au cabinet de travail, des larges fauteuils, un bureau de ministre.
Au second étage, chambres meublées élégaments en Louis XVI, nurserey moderne, salle de bains.
Ce bâtiment œuvre de l'entreprise Degallaix de Roubaix, fut construit en 3 mois, avec le système Hennebique en béton armé. Les briques provenaient de la firme Delecourt & Cie de Rosenthal. Les vitraux venaient de chez Ernest Buyssens à Roubaix.


François Hennebique, inventeur du béton armé







































La Voix du Nord a publié, un hors série, le 17 novembre 1998  qui consacre 3 pages à l'Exposition Internationale de Roubaix en 1911. Voir cet article " L'apogée de la cité de la laine ". 


Dans cette même brochure on découvre pages  90 et 91 le parcours de François Hennebique, fils de paysan qui devint fondateur d'une multinationale. François Hennebique, s'était fait connaître en alliant un certain sens du commerce à une prescience des nouvelles technologies de la construction et de la publicité. 






" En 1900, le monde entier regarde Paris et l’exposition universelle. À cette occasion, l’entrepreneur François Hennebique réalise plusieurs constructions en béton armé, un nouveau procédé qu’il a mis au point depuis quelques années et dont il tente de diffuser l’utilisation. Parallèlement à l’exposition, Hennebique installe, cette année-là, le siège social de son entreprise à Paris, dans l’immeuble de la rue Danton. Ce bâtiment est entièrement construit en béton armé, une véritable innovation. À la même époque, il étend l’usage de cette technique à la réalisation de ponts et d’ouvrages de travaux publics. Hennebique est convaincu et déterminé : le béton armé et l’avenir de l’architecture moderne. A l’aube du nouveau siècle, il remporte la première manche de son pari incroyable : lancer le béton armé à la conquête du monde. Son aventure débute quelques années auparavant. Originaire de Neuville-Saint-Vaast, près d’Arras, où il voit le jour en 1842, ce fils de paysan devient maçon. Il fonde vers 1867 sa propre entreprise de réfection de bâtiment dans la région. On sait peu de choses sur sa formation et ses premières réalisations. François Hennebique est un homme mystérieux, qui s’entoure de précautions pour préparer son grand projet. Il se sert des dernières innovations de François Coignet, Joseph-Louis Lambot et Joseph Monier, qui mettent au point un ciment armé. En 1892, à 50 ans, Hennebique dépose un premier brevet qui porte sur une poutre encastrée. À partir de ce procédé, il met au point un système de planchers et de piliers. 


Hennebique entre dans l’ère moderne.


Depuis 1880, seul le fer et ses innovateurs sont venus troubler les matériaux rois que sont la pierre, le bois et la brique. Le béton, ce curieux mélange à base de sable, de cailloux et de ciment en poussière, n’inspire pas confiance. Les architectes méprisent cet pâte qui manque de noblesse et combattent ardemment ce nouveau procédé technique. Les particuliers s’interrogent.

Dans ce contexte, le constructeur Hennebique sait qu’il faut démontrer l’authenticité du matériau et surtout sa fiabilité. Pour sa démonstration de force, Hennebique veut utiliser toutes les possibilités d’un nouvel art : la photographie. La photo apporte concrètement la preuve de la compétence et démontre un savoir-faire. Une photothèque immense est constituée au cours des ans. Plus de 7 000 clichés sont archivés et constituent un fonds documentaire incroyable, probablement le plus important du monde. La firme affiche par ce biais sa puissance et son dynamisme. Hennebique comprend avant l’heure le bénéfice de la communication. Il crée une revue d’information : le béton armé. Sa démarche commerciale s’appuie sur la promotion d’un slogan : le béton évite les incendies désastreux. Cet argument alerte les banquiers, les postiers, les directeurs de musées et de théâtre, intéressés par de nouveaux gages de sécurité.


Une puissante entreprise multinationale.

Hennebique rencontre à Croix Samuel Mollins, ingénieur diplômé de Lausanne. Dès 1893, Mollins met en œuvre la découverte d’Hennebique. Il joue le rôle de représentant et de garant du procédé, à Lausanne, la première succursale à l’étranger. Il devient l’agent exclusif pour la Suisse. À cette époque, Hennebique affronte le monopole de la construction métallique. Mollins obtient, dès 1898, que les viaducs de béton armé puissent concourir contre les ponts métalliques. Cette concurrence amène la firme à bâtir, en 1911, le pont du Risorgimento, à Rome. Ce gigantesque monolithe de 100 m de portée, exécuté en 15 mois, et, à l’époque, le plus grand pont en béton du monde. Hennebique s’entoure progressivement, dans chaque pays, d’hommes spécialisés dans la construction en ciment. Ces derniers deviennent concessionnaires et ont, seul le droit d’exploiter ses brevets. La vision d’Hennebique dans l’organisation de l’exploitation de ces brevets lui fait acquérir en peu de temps une notoriété universelle. En 1914, à la veille de la première guerre mondiale, la multinationale compte 725 concessionnaires, répartis dans 38 pays. La firme est au sommet de sa gloire. Elle traite 7 000 dossiers par an. En deux décennies, François Hennebique a transformé une invention en une remarquable aventure constructive du nouveau siècle. Grâce à la détermination sans faille de cet homme, le béton armé est entré dans l’histoire mondiale en créant un nouveau paysage urbain ". David Di Bella - La Voix du Nord



Récompensé par une médaille d'Or à l'Exposition Internationale de Roubaix


La mention de cette récompense sera apposée en surcharge sur les cartes postales des Galeries Lilloises. Hennebique construira avec sa technique révolutionnaire le Théâtre de Lille en 1913.
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On pourrait faire un parallèle avec cet autre roubaisien, Victor Vaissier, dit le roi du Congo, qui avait avec les cavalcades et le Palais du Congo (ou Château Vaissier) sut faire parler de lui tout en favorisant les prouesses architecturales. 
Ou encore avec Gabriel Pagnerre, un architecte qui conçoit à Mons-en-Barœul, en 1911, Le Vert Cottage, son deuxième cabinet d'architecture avec là aussi de nombreuses innovations dont l'emploi de la brique mâchefer et du béton armé. Terminée en 1912, cette villa Arts and Crafts comporte de magnifiques vitraux dont certains d'un modernisme révolutionnaire au point qu'il était possible de les masquer pour certains visiteurs ! Quel symbole de constater que Gabriel Pagnerre se verra refuser le diplôme d'architecte agréé, pour un projet de kiosque, justement en 1911, par Victor Laloux, celui qui venait de faire les Grands Palais de l'Exposition et l'Hôtel de ville de Roubaix ... pour finalement l'obtenir en 1912 avec un projet plus classique de maternité. Il pourra avec ce titre se lancer dans les constructions publiques réservées aux architectes agréés et concevoir des bâtiments officiels et partager ses idées avec Mallet-Stevens et Le Corbusier.
Eternel débat entre les anciens et les modernes, entre l'académisme, le classicisme et le modernisme. La Villa des Galeries Lilloises représente très justement cette opposition à l'aube de la première guerre mondiale. L'emploi de nouveaux matériaux (béton armé et acier) et de nouvelles méthodes allaient permettre de se libérer de certaines contraintes, rendant possible de nouvelles audaces architecturales (angle des pignons, toits terrasses, etc).


La collaboration Degallaix Hennebique


La collaboration entre ses deux entreprises se prolongera, puisque on retrouve en 1930 une construction commune la Biscuiterie des Arts à Roubaix.