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Edouard Beaud mécanicien d'Hélène Dutrieux sur un Farman en 1910 partant pour Blankenberghe Collection de Jean-Pierre Lauwers |
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Edouard Beaud à Aalter en Belgique acclamé par la foule le 10 mai 1911 Collection de Jean-Pierre Lauwers |
Le Circuit Européen d'Aviation fit étape à Roubaix à l'occasion de l'Exposition Internationale. Parti de Paris, le 18 juin, la première étape conduisait à Reims. La deuxième étape allait de Reims à Liège-Spa, la troisième reliait Spa à Utrecht, la quatrième Utrecht à Bruxelles.



Ci-dessus et ci-dessous : L'aviateur Jules Védrines recevant des fleurs des mains d'une petite fille, après son atterrissage au Champ d'Aviation de Roubaix (Circuit Européen).
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A l'occasion de l'Exposition, Roubaix avait été placé 5ème étape sur le circuit européen de l'aviation. Un aérodrome avait été aménagé avenue des Villas (avenue Gustave Delory) dans le prolongement des rues Carpeaux et David d'Angers. Védrines vainqueur, des 10 concurrents, de l'étape sur son monoplan Morane de 70 chevaux avait couvert par un vent très violent la distance Bruxelles Roubaix en une heure.
Ci-dessous : Carte postale de Jules Védrines sur son monoplan Morane-Borel avec comme sur les suivantes le timbre du circuit Européen d'Aviation du 18 à fin juin 1911.
Né le 28 décembre 1881 à St Denis dans la Seine, il obtiendra son brevet de pilote le 7 décembre 1910 à l'école Blériot de Pau sous le n° 312. C'est donc, à l'âge de 30 ans, seulement quelques mois après obtenu cette certification qu'il accomplira l'exploit de relier Bruxelles à Roubaix en tête en moins d'une heure.
A l'époque il s'agit d'une véritable performance, certes difficile à imaginer, à l'heure où le Thalys met une demie-heure pour effectuer cette liaison. Il fallait lutter contre le froid et les vents sur des engins extrêmement fragile. N'oublions pas qu'avant l'arrivée à Roubaix il y avait déjà eu 3 morts dont un aviateur carbonisé dans son avion.
Jules Charles Toussaint Védrines, fut ouvrier, puis metteur au point aux usines de moteur Gnome, avant de devenir mécanicien du pilote-acteur anglais, Robert Loraine, ce qui lui donna à son tour, le désir de devenir aviateur.
Le 11 mars 1911, il effectue à bord d'un Morane-Borel le vol Toulouse-Carcassonne et devient ainsi le première aviateur de l'Aude. Le 23 mars 1911 il survole Paris et, à basse altitude, le cortège de la Mi-Carême, sur lequel il lance une pluie de fleurs. Embauché chez Morane, il gagne la course Paris-Madrid le 26 mai 1911 avec un Morane-Saulnier A.
C'est sur ce même avion Morane de 70 chevaux qu'il remporte la 5e étape du Circuit Européen en se posant à Roubaix le 26 juin 1911 pendant l'Exposition Internationale de Roubaix.
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Védrines à Chicago en 1912 vainqueur de la coupe Gordon-Bennet |
Tenté par la politique il se présenta à Limoux et fut battu. Le journal " La Dépêche " relate non sans humour cet épisode : « La chute de Védrines. Védrines n'est pas élu. Les électeurs de Limoux ont sagement compris qu'à cette heure d'enthousiasme en faveur de l'aviation, c'eût été faire œuvre antipatriotique que d'enlever à la défense nationale un excellent aviateur pour en faire un mauvais député. Un homme de sport émérite n'a pas forcément l'étoffe d'un législateur. On n'est pas un aigle parce qu'on a des ailes. Vraiment, s'il suffisait de se singulariser ou d'être la vedette d'un spectacle sensationnel pour avoir des titres à la députation, où irions-nous ? Après l'homme-canon et le député en blouse, il faudrait élire Charpentier ou bien, un de ces jours, Dranem ! Védrines n'en aura pas moins accompli une très originale performance. Il lui restera la gloire d'avoir innové la publicité en aéroplane par ses prospectus jetés du haut des nues et ses affiches géantes sur les ailes étendues de son appareil. Mais à chacun son métier… Que Védrines aille planer s'il le veut au-dessus du Palais-Bourbon, mais qu'il n'y entre pas. C'est le meilleur moyen pour lui de rester en vue. La cage nous eût caché l'oiseau. »
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Collection André Frémont |
Il a gagné la coupe Gordon-Bennet en Amérique, en battant le record de vitesse à 167,8 km/h, le 9 décembre 1912. Auparavant il avait établi sur un appareil Deperdussin à moteur rotatif Gnome, le record de vitesse à 167,910 km/h le 2 mars 1912 (carte ci-dessous).
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L'avion Blériot blindé de Jules Védrines dit " La Vache " pendant la guerre 1914-1918 |
Védrines avait surnommé son avion " La Vache " sûrement en référence au fait qu’il devait souvent " brouter l’herbe et les marguerites ". Si Rolland Garros était " l’aviateur élégant " Védrines était surnommé " le gavroche sublime ou " le Parigot gouailleur ".
Le 2 septembre 1914, le Blériot blindé dit " La Vache " piloté par Jules Védrines réussit la première interception de la guerre au dessus de Suippes. Son mitrailleur René Vicaire toucha l'avion allemand ennemi</span> " Le Taube " qui est atteint après 3 bandes de 25 cartouches et qui doit se poser fumant dans les lignes françaises. Le 28 août 1914, pour renforcer les moyens aériens de la IVe armée, Jules Védrines et son Blériot blindé de 160 chevaux seront affectés à l'escadrille DO 22.
Après la Première Guerre mondiale, il est décoré pour ses talents d'instructeur, il fut entre autres l'instructeur du jeune Georges Guynemer.
Il s’est tué à 38 ans, le 21 avril 1919, avec son mécanicien Guillain, à St Rambert d’Albon dans la Drôme, lors d’un raid Paris-Rome, à bord d’un bimoteur Caudron C-23 rempli de 1 600 litres d’essence. Le 26 avril 1919, le peuple de Paris conduisait les corps, de Védrines et Guillain, au cimetière de Pantin.
Des docs et des histoires : quand Roubaix accueillait des meetings aériens
Cet été, nous revenons sur le passé de Roubaix au travers des documents des Archives Nationales du Monde du Travail. On continue avec l’Exposition internationale de 1911 où des meetings aériens étaient organisés à Roubaix.
Un article paru dans la Voix du Nord début août 2024, d'après des archives (ANMT).
Comme on peut le voir sur ces deux premiers documents, une vieille carte postale et l’affiche de l’événement, l’Exposition internationale du Nord de la France était une vitrine très importante. Elle a été organisée à Roubaix du 30 avril au 6 novembre 1911 et fut inaugurée par le président de la République Armand Fallières, comme on peut le voir sur la photo d’époque. Mais c’était une initiative de la ville de Roubaix et de son maire Eugène Motte, également industriel. Il souhaitait valoriser l’industrie textile roubaisienne, leader mondial de ce secteur dans le contexte du renforcement de la concurrence internationale.
Organisée autour de l’actuel parc Barbieux, la manifestation a rassemblé près de 3 500 exposants. Sur le site, parmi les différents pavillons, figuraient ceux des colonies, ceux des métiers et techniques nouvelles, ceux des nations… Une grande place était donnée au textile, comme on peut le voir sur le document ci-dessous. De nombreuses attractions étaient aussi destinées à attirer et séduire les visiteurs : un restaurant français, un village flamand, un autre sénégalais, un parc d’attractions, un stadium, un casino, une exposition d’art moderne et même un petit aérodrome.
Ainsi l’aviateur Roland Garros a survolé Roubaix. La ville affirmait alors son intérêt pour le modernisme en invitant l’aviation naissante. À l’extérieur de l’exposition, on installait sur l’avenue des Villas (aujourd’hui avenue Gustave-Delory), au niveau de la plaine de Beaumont, un champ d’aviation d’une vingtaine d’hectares. Sur ce terrain, six hangars étaient construits pour abriter les aéroplanes. Une grande tribune avec des gradins était installée à cheval sur Roubaix et Hem. Son ouverture officielle eut lieu le dimanche 4 juin devant 4 à 5 000 spectateurs avec un premier meeting qui se déroula par un temps orageux : les aviateurs Beaud et Champel évoluèrent à 50 mètres d’altitude, sous les regards admiratifs du public.
Le lendemain, après une après-midi venteuse, les deux mêmes aviateurs s’envolèrent pour une course-poursuite au-dessus de l’Exposition. En tout, cinq meetings aériens ont eu lieu à Roubaix du 5 juin au 29 septembre 1911. Le 26 juin, ce fut la cinquième étape du circuit européen Bruxelles-Roubaix avec 41 concurrents dont Roland Garros, mais aussi Beaumont, Védrines, Vidart, Prévost, Train, Tabuteau ou Weymann. Ces « faucheurs de marguerites » arrivaient de Bruxelles par la voie aérienne et étaient acclamés par une foule enthousiaste. Et le lendemain, à travers la tempête, tous ces « fous volants » quittèrent Roubaix pour se diriger vers Calais et l’Angleterre. Les « hommes-oiseau » avaient définitivement triomphé des éléments.