Plan général de l'exposition universelle de Roubaix en 1911

Plan général de l'exposition universelle de Roubaix en 1911
Ce plan montre l'étendue de l'Exposition Universelle de Roubaix en 1911. Celle-ci était installée aux abords du parc Barbieux et du nouveau Grand Boulevard de Lille à Roubaix et Tourcoing (sur la branche entre le Croisé Laroche et Roubaix). Cette manifestation internationale fut implantée sur les territoires des villes de Roubaix et de Croix dans les quartiers actuels de la Duquenière, du Créchet et du Fer-à-cheval. Une partie des installations avaient trouvé place dans le parc Barbieux lui-même (Gilbert Sayet tome 1 page 86 Collection privée ©)

Les fêtes de l'aviation

Roubaix ville " pilote " en 1911





A l'occasion de l'Exposition Internationale du Nord de la France en 1911 Roubaix affirme son intérêt pour le modernisme en invitant l'aviation naissante. A l'extérieur de l'exposition, dans l'avenue des Villas (aujourd'hui avenue Gustave Delory) appelée la plaine de Beaumont, va être installé un champ d'aviation de 10 hectares. Sur ce terrain seront construit six hangars pour abriter les aéroplanes. Une grande tribune avec des gradins sera installée à cheval sur Roubaix et Hem. L'ouverture officielle a lieu le dimanche 4 juin devant 4 à 5 000 spectateurs, malgré la toute récente catastrophe aérienne  d'Issy-les-Moulineaux, survenue le dimanche 21 mai lors du départ de la course Paris-Madrid.  Maurice Berteaux, le ministre de la guerre sera tué dans cet accident, fauché par le monoplan de Train, en même temps que le Président du Conseil Ernest Monis. 


L'histoire retiendra que c'est l'aviateur Edouard Beaud, âgé de 26 ans, sur biplan Farman, qui sera le tout premier aviateur à se poser à Roubaix le samedi 3 juin vers 6 heures du soir. Edouard Beaud était né en Algérie le 1er août 1885 et avait obtenu sa licence de pilote le 19 juillet 1910, elle porte le n° 150 de l'Aéro-Club de France.




Edouard Beaud mécanicien d'Hélène Dutrieux sur un Farman en 1910 partant pour Blankenberghe - Collection de Jean-Pierre Lauwers

Edouard Beaud à Aalter en Belgique acclamé par la foule le 10 mai 1911 - Collection de Jean-Pierre Lauwers

Cinq meetings aériens auront lieu à Roubaix du 5 juin au 29 septembre 1911. Le 26 juin c'est la cinquième étape du Circuit Européen : Bruxelles-Roubaix avec 41 concurrents sur 68 engagements. 

En juin 1929 c'est la naissance des " Ailes Roubaisiennes " et en 1936 celle de la Section d'Aviation Populaire sur le terrain de Roubaix-Flers, au lieu dit " Tir à Locques ".



Le Circuit Européen d'Aviation 

Le Circuit Européen d'Aviation fit étape à Roubaix à l'occasion de l'Exposition Internationale. Parti de Paris, le 18 juin, la première étape conduisait à Reims. La deuxième étape allait de Reims à Liège-Spa, la troisième reliait Spa à Utrecht, la quatrième Utrecht à Bruxelles. 
Le circuit Européen a déjà provoqué 3 victimes avant l'arrivée de la cinquième étape qui doit amener les pilotes de Bruxelles à Roubaix. Celle-ci est reportée du dimanche 25 au lundi 26 juin, pour cause de mauvais temps,  Gilbert Sayet cite cette date dans son rapport publié en 1912. Finalement, d'après les journaux de l'époque, c'est le mercredi 28 juin à 11h10 que se posera Jules Védrines puis trois minutes plus tard Roland Garros suivi à deux minutes d'André Beaumont et d'Albert Kijmmerling. Le lendemain, jeudi 29 juin, 9 pilotes s'envolèrent de Roubaix vers Calais pour la sixième étape avant de relier Londres avec la traversée de la Manche lors de septième étape, alors que des aviateurs n'ont pas encore rallié Roubaix. Ce sera le retour sur Calais au départ de Londres lors de la huitième étape. La dernière et neuvième étape amenant les aviateurs de Calais à Amiens. C'est le français André Beaumont qui gagnera la course.








  Le 26 juin 1911 Roland Garros survolait Roubaix

Il n'est pas possible de passer sous silence l'importante entreprise sportive dont le Comité d'Aviation de l'Exposition de Roubaix assuma la charge morale et pécuniaire. De juin à septembre inclus, c'est-à-dire durant quatre mois, un champ d'aviation superbement aménagé, dans un vaste terrain de 25 à 30 hectares, situé Avenue des Villas, c'est-à-dire à proximité de l'Exposition, a permis aux visiteurs de celle-ci, d'assister succesivement aux vols les plus audacieux d'excellents aviateurs tels que : Bathiat, Brindejonc des Moulinais, Sadi Lecointe, Champel, Baud, Védrines junior, Marc Pourpe, Domenjoz, Cordonnier, Mlles Dutrieux et Herveux, etc... Le champ d'aviation de l'Exposition de Roubaix fut aussi le théâtre de journées glorieuses, pour cette passionnante conquête de l'air : le 26 juin, les concurrents du " Circuit Européen d'Aviation " qui s'appelaient : Beaumont, Védrines, Garros, Vidart, Prévost, Train, Tabuteau, Weymann, etc., etc ..., arrivaient de Bruxelles, par la voie aérienne, aux acclamations d'une foule enthousiasmée. Et le lendemain, à travers la tempête, tous ces " hommes-oiseaux " quittaient Roubaix pour se diriger vers Calais et l'Angleterre, affirmant ainsi devant les 20 à 30 000 personnes présentes, que le génie humain avait définitivement triomphé des éléments. (Gilbert Sayet, tome 1, pages 567 et 568).

Ci-dessus et ci-dessous : L'aviateur Jules Védrines recevant des fleurs des mains d'une petite fille, après son atterrissage au Champ d'Aviation de Roubaix (Circuit Européen). 





Le timbre du Circuit Européen d'Aviation avec les étapes : Paris, Reims, Liège, Spa, Utrecht, Bruxelles, Roubaix, Calais (2 fois), Londres et Amiens. Les quatre écussons sont ceux des villes de Paris, Londres, Utrecht et Bruxelles, car en fait d'européen le circuit ne se déroulait que dans 4 pays  : La France, la Belgique, les Pays-Bas et l'Angleterre.

A l'occasion de l'Exposition, Roubaix avait été placé 5ème étape sur le circuit européen de l'aviation. Un aérodrome avait été aménagé avenue des Villas (avenue Gustave Delory) dans le prolongement des rues Carpeaux et David d'Angers. Védrines vainqueur, des 10 concurrents, de l'étape sur son monoplan Morane de 70 chevaux avait couvert par un vent très violent la distance Bruxelles Roubaix en une heure.
Ci-dessous : Carte postale de Jules Védrines sur son monoplan Morane-Borel avec comme sur les suivantes le timbre du circuit Européen d'Aviation du 18 à fin juin 1911.


Roland Garros pilotait un monoplan Blériot avec moteur Gnôme 50 HP.


Tabuteau était aux commandes d'un biplan Bristol.


Albert Kijmmerling pilotait un monoplan Sommer.


Weymann avait un monoplan Nieuport.


Conneau comme Roland Garros pilotait un monoplan Blériot avec moteur Gnôme 50 HP


Louis Gibert était sur un monoplan R.E.P.


René Vidart, âgé de 21 ans, breveté pilote depuis un an, avait choisi un monoplan Deperdussin.



L'aviateur Jules Védrines, vainqueur à Roubaix


Le journal " Le Petit Parisien  " a publié en 1911, dans son numéro 1181, un reportage sur l'aviateur Jules Védrines, vainqueur de l'étape du circuit Européen à Roubaix. 
Né le 28 décembre 1881 à St Denis dans la Seine, il obtiendra son brevet de pilote le 7 décembre 1910 à l'école Blériot de Pau sous le n° 312. C'est donc, à l'âge de 30 ans, seulement quelques mois après obtenu cette certification qu'il accomplira l'exploit de relier Bruxelles à Roubaix en tête en moins d'une heure.
A l'époque il s'agit d'une véritable performance, certes difficile à imaginer, à l'heure où le Thalys met une demie-heure pour effectuer cette liaison. Il fallait lutter contre le froid et les vents sur des engins extrêmement fragile. N'oublions pas qu'avant l'arrivée à Roubaix il y avait déjà eu 3 morts dont un aviateur carbonisé dans son avion. 
Jules Charles Toussaint Védrines, fut ouvrier, puis metteur au point aux usines de moteur Gnome, avant de devenir mécanicien du pilote-acteur anglais, Robert Loraine, ce qui lui donna à son tour, le désir de devenir aviateur. 

Le 11 mars 1911, il effectue à bord d'un Morane-Borel le vol Toulouse-Carcassonne et devient ainsi le première aviateur de l'Aude. Le 23 mars 1911 il survole Paris et, à basse altitude, le cortège de la Mi-Carême, sur lequel il lance une pluie de fleurs. Embauché chez Morane, il gagne la course Paris-Madrid le 26 mai 1911 avec un Morane-Saulnier A.
C'est sur ce même avion Morane de 70 chevaux qu'il remporte la 5e étape du Circuit Européen en se posant à Roubaix le 26 juin 1911 pendant l'Exposition Internationale de Roubaix.

Védrines à Chicago en 1912 vainqueur de la coupe Gordon-Bennet
Le 13 janvier 1912, il bat le record de vitesse pure en avion sur un Déperdussin, il atteint la vitesse de 145,161 km/h. Le 21 avril 1912 il s'écrase rue de l'Yser à Epinay-sur-Seine au cours d'un trajet Douai-Madrid. Il est grièvement blessé, mais tiendra plus tard son propre rôle dans un film réalisé aux studios Éclair : Le Roman de Védrines. Deux ans plus tard, du 20 novembre au 29 décembre 1913, il réalise la première liaison aérienne France-Égypte (avec escales) à bord de son monoplan Blériot. Il part de Nancy le 20 novembre et arrive au Caire le 29 décembre. Il est également le premier pilote à se poser à l'aéroport international de Beyrouth au Liban. 

Tenté par la politique il se présenta à Limoux et fut battu. Le journal " La Dépêche " relate non sans humour cet épisode  : « La chute de Védrines. Védrines n'est pas élu. Les électeurs de Limoux ont sagement compris qu'à cette heure d'enthousiasme en faveur de l'aviation, c'eût été faire œuvre antipatriotique que d'enlever à la défense nationale un excellent aviateur pour en faire un mauvais député. Un homme de sport émérite n'a pas forcément l'étoffe d'un législateur. On n'est pas un aigle parce qu'on a des ailes. Vraiment, s'il suffisait de se singulariser ou d'être la vedette d'un spectacle sensationnel pour avoir des titres à la députation, où irions-nous ? Après l'homme-canon et le député en blouse, il faudrait élire Charpentier ou bien, un de ces jours, Dranem ! Védrines n'en aura pas moins accompli une très originale performance. Il lui restera la gloire d'avoir innové la publicité en aéroplane par ses prospectus jetés du haut des nues et ses affiches géantes sur les ailes étendues de son appareil. Mais à chacun son métier… Que Védrines aille planer s'il le veut au-dessus du Palais-Bourbon, mais qu'il n'y entre pas. C'est le meilleur moyen pour lui de rester en vue. La cage nous eût caché l'oiseau. »


Collection André Frémont
Il devient un As de l’aviation. Védrines a été le premier pilote à dépasser les 100 km heure, le seul à atterrir sur le toit des Galeries Lafayette à Paris le 19 Janvier 1919 sur un avion Caudron (carte commémorative ci-contre) malgré l'interdiction de la préfecture de Paris. Il empoche ainsi le prix de 25 000 francs offert pour cet exploit, mais devient le premier délinquant aérien de l'histoire de l'aviation. 
Il a gagné la coupe Gordon-Bennet en Amérique, en battant le record de vitesse à 167,8 km/h, le 9 décembre 1912. Auparavant il avait établi sur un appareil Deperdussin à moteur rotatif Gnome, le record de vitesse à 167,910 km/h le 2 mars 1912 (carte ci-dessous). 



L'avion Blériot blindé de Jules Védrines dit " La Vache " pendant la guerre 1914-1918










Védrines avait surnommé son avion " La Vache " sûrement en référence au fait qu’il devait souvent " brouter l’herbe et les marguerites ". Si Rolland Garros était " l’aviateur élégant " Védrines était surnommé " le gavroche sublime ou " le Parigot gouailleur ".
Le 2 septembre 1914, le Blériot blindé dit " La Vache " piloté par Jules Védrines réussit la première interception de la guerre au dessus de Suippes.  Son mitrailleur René Vicaire toucha l'avion allemand ennemi</span> " Le Taube " qui est atteint après 3 bandes de 25 cartouches et qui doit se poser fumant dans les lignes françaises. Le 28 août 1914, pour renforcer les moyens aériens de la IVe armée, Jules Védrines et son Blériot blindé de 160 chevaux seront affectés à l'escadrille DO 22.



Après la Première Guerre mondiale, il est décoré pour ses talents d'instructeur, il fut entre autres l'instructeur du jeune Georges Guynemer. 


Il s’est tué à 38 ans, le 21 avril 1919, avec son mécanicien Guillain, à St Rambert d’Albon dans la Drôme, lors d’un raid Paris-Rome, à bord d’un bimoteur Caudron C-23 rempli de 1 600 litres d’essence. Le 26 avril 1919, le peuple de Paris conduisait les corps, de Védrines et Guillain, au cimetière de Pantin.